Le jihâd (lutte) de l’amour

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mardi 2 janvier 2018

Le jihâd (lutte) de l’amour

L’amour, valeur universelle

Lorsqu’on parle Islam avec les adolescents de confession musulmane, on remarque qu’ils font une utilisation juridique et non spirituelle du vocable « amour ». Leurs questions sont trop souvent liées au halâl (le licite) et au harâm (l’illicite). Ce serait pertinent si nos jeunes avaient une forte relation à Dieu et une profonde spiritualité ; or ce n’est que rarement le cas. Par conséquent, il est urgent de les aider à construire leur personnalité sur la base d’un enseignement coranique, car le Coran éveille les cœurs et rend les esprits sains. Il s’agit de leur inculquer des valeurs universelles telles que la miséricorde, le pardon, la générosité … mais aussi l’amour. Si le sujet de l’amour est si important à notre époque, c’est parce que la haine et l’indifférence se développent dans notre société à une vitesse phénoménale. L’idée n’est pas ici de traiter le thème de l’amour de Dieu ou de Son Prophète (saw), mais de l’amour dans son sens le plus large et le plus humain. Le Prophète (saw) tenait à voir l’humanité s’épanouir sur la base de l’amour, c’est pourquoi il dégageait ce sentiment dans la vie de tous les jours. Il dit un jour à ses compagnons : « Vous n’entrerez au Paradis que lorsque vous serez pleinement croyants, et vous ne porterez pleinement la foi que lorsque vous vous aimerez. Vous indiquerai-je donc une chose qui, lorsque vous l’aurez appliquée, vous fera vous aimer mutuellement ? Saluez-vous les uns les autres[1] ». L’amour dont il est question ici est ce sentiment d’affection et d’attachement que l’individu peut avoir à l’égard d’une personne ou même d’une chose. Il se distingue de la miséricorde qui reflète avant tout la compassion et la pitié. Dans les lignes qui suivent, nous allons voir que le Prophète (saw) avait un cœur qui aime et non un cœur qui déteste. D’ailleurs, son cœur aimant était observable, notamment à travers son sourire.

"Vous n’entrerez au Paradis que lorsque vous serez pleinement croyants, et vous ne porterez pleinement la foi que lorsque vous vous aimerez. Vous indiquerai-je donc une chose qui, lorsque vous l’aurez appliquée, vous fera vous aimer mutuellement ? Saluez-vous les uns les autres."


Le Prophète (saw) et son cœur aimant

Le Messager de Dieu (saw) aimait ses concitoyens et souhaitait les voir retourner à Dieu. Il avait conscience qu’ils descendaient d’Adam (as) et qu’ils avaient été dupés par Satan. Il voyait en eux cet être humain devant qui les anges s’étaient jadis prosternés. Son adversaire n’était pas l’idolâtre, mais l’idolâtrie qu’il condamnait fermement. Son souhait le plus cher était de voir l’humanité avoir foi en Dieu. L’amour était un moyen efficace pour mener à bien sa mission. Si l’action du Prophète (saw) avait été portée par la haine et la rancœur, alors personne ne l’aurait écouté ni suivi. Son amour le rendait persévérant, pardonneur, généreux et misécordieux. Cela explique pourquoi le Prophète (saw) se montrait patient lorsqu’il était calomnié et attaqué physiquement. L’amour était en réalité la base de ses nombreuses qualités humaines. Nous savons que Dieu n’est pas miséricordieux envers celui qui ne se montre pas miséricordieux envers les gens[2]. Dieu peut-Il aimer celui qui déteste Ses créatures ?! Les proches compagnons du Prophète (saw) voyaient cet amour, le ressentaient, le vivaient et le véhiculaient à leur tour au sein de leur famille et de la société dans laquelle ils évoluaient.

Les textes soulignent que le Prophète (saw) aimait sa mère, ainsi que son oncle Abû Tâlib qui n’était pas croyant. Il l’aimait tellement qu’à sa mort, il invoqua continuellement Dieu pour qu’Il lui pardonne, jusque’à ce que Dieu révèle : « Tu ne peux remettre dans le droit chemin un être que tu aimes. Mais seul Dieu dirige qui Il veut, car Il est le mieux à même de connaître ceux qui sont les biens guidés » (28 : 56). Le Prophète (saw) aimait particulièrement ceux qui étaient fragiles socialement, comme les orphelins. Il recommandait aux croyants d’avoir des attentions vis-à-vis d’eux, telles que passer leur main sur leur tête, afin qu’ils ressentent leur affection. On pouvait aussi observer son amour, sa tendresse et son affection lorsqu’il plaisantait avec les femmes et les enfants qu’il côtoyait. Son cœur ne connaissait pas non plus la rancune, ce qui explique pourquoi il pardonnait à ceux qui l’avaient jadis combattu. Sa douceur (hilm) venait de son amour et il ne se mettait en colère que quand les limites sacrées de Dieu avaient été dépassées. D’ailleurs, lorsque les Bédouins du désert lui rendaient visite à Médine, il leur offrait tout ce qu’ils désiraient sans rien leur refuser, même s’ils se montraient agressifs et irrespectueux envers lui.

Le Prophète (saw) aimait aussi les animaux. On rapporte qu’il possédait au moins dix chevaux et qu’il leur avait même donné des noms. L’un d’eux s’appelait al-Bahr (l’océan). Il l’avait acheté chez des commerçants du Yémen. Un jour, il caressa sa tête et dit : « Tu es vraiment un océan (bahr) ». Il possédait également une brebis que l’on nommait Ghaytha. Le Prophète (saw) buvait exclusivement de son lait. Le Prophète (saw) donnait aussi des noms à ses chamelles. Celle qu’il aimait le plus se nommait al-Qaswâ’, car aucune autre bête ne pouvait le porter lorsque la Révélation descendait sur lui. Le Prophète (saw) aimait tellement ses bêtes qu’il allait par exemple jusqu’à moudre de l’orge pour l’offrir à sa mule al-Duldul, car en prenant de l’âge, elle avait perdu ses dents et ne pouvait donc plus s’alimenter seule. Son âne Ya‘fûr avait lui aussi une relation particulière avec le Prophète (saw) : on dit qu’il mourut de tristesse au cours du pèlerinage d’adieu. Le Prophète (saw) était aussi attaché à son armement, au point de nommer ses épées et ses lances.

L’amour doit être sincère, car l’enfant est sensible et sait distinguer le vrai de l’artificiel. Certains parents pensent qu’offrir des cadeaux à leurs enfants est un signe d’amour. Si l’adulte le perçoit ainsi, rien ne garantit que l’enfant le voie d’un même œil. L’enfant attend des parents du temps et de l’affection : ils ne doivent donc pas hésiter à les câliner.


L’amour et l’éducation des enfants

Cet amour de l’autre, quel que soit cet autre, doit être central dans l’éducation de nos enfants. Ils doivent grandir en étant préservés de la haine et de toute attitude hostile. Pour réussir, les parents doivent eux-mêmes dégager de l’amour en présence de leurs enfants et ne pas se disputer devant eux, car leur inconscient enregistre et façonne leur personnalité. L’amour ne s’apprend pas dans un manuel, mais se transmet au contact des gens qui nous entourent. L’amour doit être sincère, car l’enfant est sensible et sait distinguer le vrai de l’artificiel. Certains parents pensent qu’offrir des cadeaux à leurs enfants est un signe d’amour. Si l’adulte le perçoit ainsi, rien ne garantit que l’enfant le voie d’un même œil. L’enfant attend des parents du temps et de l’affection : ils ne doivent donc pas hésiter à les câliner. Le Prophète (saw) embrassait ses enfants ainsi que ses petits enfants. Un jour, il embrassa son petit-fils al-Hasan (ra) devant un homme se nommant al-Aqra‘ (ra). Étonné, celui-ci lui dit : « J’ai dix enfants et je n’en ai jamais embrassé un seul. » Le Prophète (saw) lui répondit : « Celui qui est dépourvu de miséricorde, ne recevra aucune miséricorde[3] ». On rapporte aussi qu’Abû Bakr (ra) salua sa fille ‘Â’isha (r.anha) en l’embrassant sur la joue, alors qu’elle était malade[4].

Le piège dans lequel tombent de nombreux musulmans est d’entretenir une relation de « droits » et de « devoirs » avec leurs enfants. Cette attitude vient sans doute de la relation « licite » et « illicite » qu’ils entretiennent avec Dieu depuis toujours. Ils oublient l’essentiel : l’amour dont a besoin l’enfant pour s’épanouir, cet amour qui le mène à se libérer des chaînes et à avoir confiance en lui. Un enfant qui grandit dans l’amour est un enfant qui saura écouter ses parents lorsqu’ils lui montreront les limites à ne pas dépasser, c’est-à-dire le cadre à respecter. Nous savons que le Prophète (saw) ne réprimandait jamais son très jeune serviteur Anas ‘ra’ (il avait 13 ans) : il le laissait apprendre de ses erreurs et lui donnait tout l’amour dont il avait besoin pour s’épanouir. Anas apprit sa religion et devint un homme pieux. Il avait pleinement conscience des limites à ne pas franchir. Mieux encore, il détestait profondément ce qui était illicite pour Dieu.

Enfin, soulignons que la foi du croyant ne devient totale que lorsqu’il aime Dieu et Son Messager (saw) plus que tout au monde. Cette perfection ne peut être atteinte par celui qui est guidé par la haine. Comment un cœur dépourvu d’amour pourrait-il aimer Dieu ?! Voici donc un des jihâd (lutte) auquel est confronté l’individu à notre époque : le jihâd de l’amour. Il consiste à lutter contre la rancœur et l’hostilité et à remplir son cœur d’amour. Seul ce cœur est à même de connaître véritablement Dieu et Son Messager (saw). Un tel cœur fait de l’individu un acteur positif qui s’attelle à construire un monde meilleur. Il devient alors un véritable représentant (khalîfa) de Dieu sur Terre. Dieu dit : « Puis vint le jour où ton Seigneur dit aux anges : ‘Je vais installer un représentant sur la Terre.’ Et les anges de repartir : ‘Vas-tu établir quelqu’un qui y fera régner le mal et y répandra le sang, alors que nous chantons Ta gloire et célébrons Tes louanges ?’ Le Seigneur leur répondit : ‘Ce que Je sais dépasse votre entendement’ » (2 : 30). Ce que les anges ne savaient pas, c’est que des humains étaient capables d’aimer et d’établir la justice divine.

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[1] Rapporté par Muslim.

[2] Rapporté par al-Bukhârî et Muslim.

[3] Rapporté par Muslim.

[4] Rapporté par Abû Dâwûd.

قَلَ رسول الله (صلى الله عليه و سلم ) : " كُلُّ مُسْكِرٍ خَمْرٌ , وَ كُلُّ مُسْكِرٍ حَرَامٌ , وَ مَنْ شَرِبَ الخَمْرَ فِي الدُّنْيَا فَمَاتَ وَهُوَ يُدْمِنُهَا , لَمْ يَتُبْ , لَمْ يَشْرَجْهَ فِي الآخِرَةِ. "
Le Messager d’Allah (saw) a dit :

“Tout ce qui enivre est une boisson alcoolisée et tout ce qui enivre est illicite. Celui qui boit de l’alcool en ce monde puis meurt en état de dépendance sans se repentir n’en boira pas dans l’au-delà.”

Sahih Muslim, Livre des boissons, Hadith 5218