Le Prophète Muhammad (saw) et la formation de la jeunesse : Responsabilisation, Confiance et Bienveillance

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vendredi 18 mai 2018

Le Prophète Muhammad (saw) et la formation de la jeunesse : Responsabilisation, Confiance et Bienveillance

      On constate souvent des problèmes intergénérationnels au sein des communautés musulmanes. En effet, les plus âgés ont parfois du mal à transmettre le flambeau aux plus jeunes pour permettre une bonne transition. La jeunesse est un pilier dans toute société, le moteur du renouveau, l’investissement dans l’éducation des jeunes et leur formation est ainsi un élément clé pour tout changement d’avenir positif.

Les plus anciens, ayant l’expérience, ont parfois du mal à faire confiance aux jeunes, qui par définition sont moins expérimentés, en leur confiant des tâches et des responsabilités. Or l’acquisition d’expériences passe par la pratique et implique un commencement. De plus, pour pouvoir développer son potentiel, il est fondamental d’obtenir la confiance de nos ainés et d’avoir la possibilité de développer son sens des responsabilités par la pratique.

Face à ces crises existantes en matière de relations intergénérationnelles, l’exemple du Prophète (saw), dans sa relation aux jeunes, sa volonté de les former et les préparer pour relever les défis de l’avenir, est rempli d’enseignements très utiles.

Allah (swt) évoque la jeunesse de manière spécifique dans le Coran à propos des gens de la caverne « ahl al kahf » en disant : « Ils sont des jeunes gens qui ont cru en leur Seigneur et dont nous avons raffermi la foi ». Ce passage nous montre l’importance des jeunes, car Dieu a accordé au groupe de la caverne un privilège relevant du miracle pour préserver leur foi et leur éviter la persécution.

Le Prophète (saw) avait compris que la jeunesse représente les forces vives d’une société ainsi que son avenir, il a donc accordé beaucoup d’importance à l’éducation des jeunes et leur formation, aussi bien sur le plan spirituel, moral que social. Il prenait notamment beaucoup de temps pour discuter avec les enfants et jouer avec eux, sa bienveillance à leur égard étant de notoriété publique.


Bienveillance à l’égard des enfants

Le Prophète (saw) avait beaucoup de considération pour les enfants. Un hadith nous rapporte que pour faciliter la tâche des mères, le Prophète (saw) avait pour habitude de raccourcir ses prières lorsqu’il entendait des enfants pleurer. Ce qui exprime à la fois sa bienveillance pour les mères et pour les enfants.[1]

Une autre tradition prophétique nous rapporte une anecdote entre le Prophète (saw) et ses petits-fils exprimant à merveille la bonté du Messager à l’égard des enfants:

« Le Prophète priait quand au moment de la prosternation, Hasan et Hussein sautèrent sur son dos. Alors que les gens essayèrent de les arrêter, il leur fit signe de laisser. Après sa prière, il les plaça sur ses genoux et dit : « Celui qui m’aime doit aimer ces deux enfants. »[2]

Ces hadith nous montre que même si les enfants peuvent être parfois agités, et les jeunes un peu trop enthousiastes, il faut faire preuve de patience pour les accompagner et leur permettre d’évoluer positivement. L’attitude de bienfaisance du Prophète (saw) à l’égard des enfants était accompagnée d’une vraie pédagogie visant à les éduquer par la sagesse, la gentillesse et la bonté.

Il est rapporté que le Prophète (saw) a interpellé un jeune garçon qui avait jeté des pierres sur des parlmiers. Le garcon lui répondit qu’il faisait cela pour pouvoir manger les dattes de l’arbre. Plutôt que de le sermonner, le Prophète Muhammad  (saw) lui proposa une alternative pour qu’il ne recommence pas son erreur à l’avenir “« Ne jettes pas des pierres sur les palmiers, mais mange ce qui en est tombé ». Ensuite, il caressa la tête du garçon et dit : « Ô Allâh, remplis son ventre »”[3].

Le Prophète (saw) était indulgent avec les enfants qui faisaient des erreurs et cherchait à les faire réfléchir par eux même à leurs fautes pour qu’ils se corrigent, plutôt que les punir ou les blamer.

La pédagogie du Prophète passait aussi par des gestes d’amour et d’affection car il savait que pour devenir équilibré, confiant et structuré, un enfant avait besoin de recevoir de l’amour et de l’affection. C’est ainsi, par exemple qu’il conseilla aux bédouins d’embrasser leurs enfants, bien que cela ne se faisait pas trop dans leur culture.

En effet, alors que des Bédouins étaient chez le Prophète (saw) et dirent qu’ils n’embrassaient jamais leurs enfants, le Prophète (saw)  leur dit : « Que puis-je pour vous, si Allah ne vous a pas pourvu de miséricorde ?»[4].

C’est par l’amour qu’on donne aux enfants qu’on crée des êtres équilibrés qui à leur tour pourront donner de l’amour une fois devenus adultes, avoir confiance en eux mêmes et réaliser de grandes choses dans la vie.


La formation d’une nouvelle élite par la responsabilisation des jeunes

Peu de temps avant la mort du Messager de Dieu (saw), lors de la 11ème année hégirienne, ce dernier décida d’envoyer une armée pour combattre les byzantins dans le but de faire cesser les persécutions que ceux-ci font subir aux arabes du Sham qui ont embrassé l’Islam. Les Byzantins avaient notamment tué Farwa Ibn Amr al Judhami, qui était le gouverneur de Ma’an. Pour cette mission, le Prophète (saw) nomma à la tête de l’armée un très jeune homme, Oussama Ibn Zayd, âgé de 17 ans[5]. Cette mission était capitale, car en plus d’être la deuxième expédition musulmane dans le Sham, il s’agissait d’une opération visant à faire cesser l’oppression des byzantins à l’égard des arabes musulmans de la région et que ceux qui se convertissaient ne devaient plus se sentir en danger[6].

Du fait de son jeune âge, certains compagnons ont protesté contre le choix du Prophète (saw)  et ne voulaient pas se joindre à l’expédition. Le savant musulman contemporain, Muhammad al Ghazali, commente cet épisode en ces termes : « Usama n’avait que dix-huit ans et certains ignorants n’ont pas admis qu’une armée aussi nombreuse, où il y avait des gens mûrs, fût commandée par un jeune d’un tel âge »[7]. En effet, plusieurs personnes considéraient que le choix de Oussama était illégitime du fait de son jeune âge, notamment parce que des gens plus âgés et expérimentés étaient disponibles pour prendre la tête de l’armée.

Mais le Messager (saw) a fermement défendu la légitimité de son choix « Vous critiquez sa nomination comme vous aviez autrefois critiqué celle de son père. Eh bien ! J’en jure par Dieu ! Son père était digne du commandement et il était pour moi le plus aimé des hommes, et son fils est celui de tous les hommes que j’aime le mieux après son père »[8]

Après cette intervention de Muhammad (saw), le choix d’Oussama fut accepté par la communauté et l’armée pu se mettre en place[9]. Le Prophète (saw) n’a pas tenu comptes des critiques quant à la jeunesse d’Oussama et a privilégié le mérite et la compétence, car « l’âge mûr ne dote pas de raison les niais et le jeune âge ne démunit pas les pieux d’aucune verte »[10].

On constate que malgré les critiques, le Prophète (saw) a accordé sa confiance à Oussama et lui a donné l’opportunité de développer son potentiel, de gagner en expérience et de faire ses preuves. Par cette confiance qu’il accordait aux gens et par les missions qu’il leur confiait, il permettait que ces derniers s’émancipent, développent leurs compétences et se responsabilisent. En effet, en exerçant une responsabilité aussi grande que celle de diriger une expédition militaire avec sous son commandement une large armée, Oussama Ibn Zayd avait l’opportunité de développer son propre sens des responsabilités et sa capacité à gérer des situations difficiles. Cette exemple nous montre comment le Prophète (saw) cherchait à former les jeunes par l’expérience et à les autonomiser en leur faisant confiance et en leur accordant du pouvoir.

Un autre récit significatif à ce propos s’est déroulé lors de la hijra de la Mecque vers Médine. Pour la réussite de l’émigration, le Prophète (saw) a mis en place une stratégie minutieuse pour pouvoir s’enfuir à Médine. Sa vie était en jeu ainsi que l’avenir de la transmission du Message de l’islam. Malgré les risques et l’importance capital de cette opération, le Prophète (saw)  a confié une double tâche de très grande importance, dans le cadre de sa stratégie, au jeune Ali Ibn Abi Talib (ra), qui n’avait que 22 ans à cette époque. Les décisionnaires de Quraysh avaient adopté à l’unanimité la proposition d’Abu Jahl consistant à choisir un homme de chaque tribu et qu’ils aillent en même temps tuer Muhammad avec des sabres, ainsi leur responsabilité serait diluée entre tous les clans[11]. Mais Dieu déjoua leur complot en envoyant Jîbril (as) (l’Ange Gabriel) prévenir le Prophète (saw). C’est alors que le Messager de Dieu demanda à Ali de prendre sa place dans son lit pour tromper l’ennemi et faire échouer leur stratagème « Couvre toi de mon manteau vert et va dormir cette nuit dans mon lit. Tu n’auras rien à craindre de leur part. ». Les hommes chargés de tuer le Messager (saw) virent qu’il s’agissait d’Ali dans le lit et que le Prophète (saw) était parti, leur plan était donc tombé à l’eau.

Le Prophète Muhammad (saw) a confié une deuxième mission au jeune Ali Ibn Abi Talib (ra).

Avant de partir pour Médine, il ordonna à Ali de rester à la Mecque après son départ pour rendre à leurs propriétaires l’ensemble des dépôts qu’ils avaient confié au Messager de Dieu (saw). Car le Prophète (saw) était connu pour sa droiture et son honnêteté, les gens le surnommaient d’ailleurs « as sadiq wa al amin » (l’honnête et digne de confiance) et avaient pour habitude de lui confier leurs objets précieux.[12]

Le Prophète (saw) a accordé sa confiance à un jeune homme en lui confiant deux missions impliquant une grande responsabilité. Par cela, il a donné à Ali l’opportunité de développer ses capacités, son sens des responsabilités et sa confiance en lui même. Il a aussi enseigné à Ali la prise de risque, le courage et l’importance de l’éthique en toute circonstance.

C’est ainsi que le Prophète Muhammad (saw) a accordé sa confiance à de nombreux jeunes, leur a confié des responsabilités, les a autonomisé, ce qui a permis de construire une génération de musulmans structurés, éduqués et aptes à relever le défis d’avenir. La confiance accordée aux jeunes et la transmission intergénérationnelle sont donc des données essentielles pour promouvoir un avenir meilleur.

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[1] Rapporté par Bukhari

[2] Rapporté par Bayhaqi

[3] Rapporté par Abu Dawud

[4] Rapporté par Muslim

[5] Muhammad al Ghazali, Fiqh as Sira, Édition Ennour, p. 412

[6] Mubarakfuri, Muhammad l’ultime joyau de la prophétie, Édition Ennour, 2008 p. 671

[7] Muhammad al Ghazali, Fiqh as Sira, Édition Ennour, p. 412

[8] Rapporté par Bukhari

[9] Mubarakfuri, Muhammad l’ultime joyau de la prophétie, Édition Ennour, 2008 p. 672

[10] Muhammad al Ghazali, Fiqh as Sira, Édition Ennour, p. 412

[11] Ibn Hicham, Biographie du Prophète, Fayard, p.172

[12] Ibn Hicham, Biographie du Prophète, Fayard, p.173, 174

قَلَ رسول الله (صلى الله عليه و سلم ) : " كُلُّ مُسْكِرٍ خَمْرٌ , وَ كُلُّ مُسْكِرٍ حَرَامٌ , وَ مَنْ شَرِبَ الخَمْرَ فِي الدُّنْيَا فَمَاتَ وَهُوَ يُدْمِنُهَا , لَمْ يَتُبْ , لَمْ يَشْرَجْهَ فِي الآخِرَةِ. "
Le Messager d’Allah (saw) a dit :

“Tout ce qui enivre est une boisson alcoolisée et tout ce qui enivre est illicite. Celui qui boit de l’alcool en ce monde puis meurt en état de dépendance sans se repentir n’en boira pas dans l’au-delà.”

Sahih Muslim, Livre des boissons, Hadith 5218