10 - Début de la proclamation publique

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10 - Début de la proclamation publique

 

À la Mecque, l’invitation publique à l’Islam débuta de à partir de la quatrième année de la mission prophétique. Les premiers et plus importants interlocuteurs du Prophète (saw) furent les Qurayshites. Ces derniers qui avaient disposé leurs idoles à l’intérieur et autour de la Kaaba avaient à leur charge la gestion des rites du pèlerinage et de la Omra qui remontaient à Abraham (as) et Ismaël (as), charge en vertu de laquelle ils jouissaient d’une notoriété et d’une distinction parmi les tribus. Afin de tirer profit au mieux de ceux qui visitaient la Kaaba, ils avaient dressé les idoles des diverses tribus dans et autour de la Kaaba. Des jours difficiles attendaient le Prophète (saw) qui continuait à inviter à l’Islam les membres de sa famille et ses amis les plus proches. Car il lui avait été ordonné, de proclamer publiquement (Al Hijr 15/94) les réalités révélées sans se soucier de la réaction des polythéistes, et d’avertir, en commençant par ses plus proches, tous ceux qu’il pouvait atteindre (Al Chou’ara 26/214). Le Noble Messager (saw) entama cette tâche difficile, qui allait à partir de ces jours et jusqu’à la conquête de la Mecque, durer près de vingt ans, par un repas où il convia tous les membres les plus proches de sa famille. Près de quarante-cinq personnes appartenant aux clans des Banu Hachim et Banu Mouttalib répondirent favorablement à l’invitation. Cependant, après le repas, lorsque son oncle, Abou Lahab, ne lui laissant pas l’occasion de tenir son discours, prit la parole et lança « Je n’ai jamais vu quelqu’un apporter à sa tribu une chose aussi mauvaise que celle que tu as apportée » tout le monde se dispersa. Très attristé par une telle issue, le Prophète (saw) réorganisa une nouvelle réunion quelques jours plus tard. Dans le discours qu’il y tint, après avoir rappelé qu’Allah est unique, qu’il n’existe rien qui lui soit semblable, qu’il a cru et placé sa confiance en Lui et, après avoir déclaré qu’il ne mentirait jamais à ses convives, il continua comme suit : « Je suis le messager d’Allah, qui vous a été envoyé à vous en particulier et à toute l’humanité. Je jure par Allah que vous allez mourir comme si vous vous endormiez, que vous allez être ressuscités comme si vous vous réveilliez de votre sommeil, que vous allez rendre compte de vos actes, que vous allez être récompensés pour vos bonnes actions et punis pour les mauvaises. Le paradis et l’enfer sont éternels. Et vous êtes les premiers que j’avertis ». Abou Talib, l’oncle du Prophètes (saw) indiqua qu’il trouvait ses paroles éloquentes et qu’il le soutiendrait mais qu’il ne délaisserait pas pour autant la religion de ses ancêtres. Abou Lahab, son autre oncle, exigea de ses proches qu’ils s’opposent à son message et avertit que s’ils répondaient à son appel ils seraient frappés d’indignité et s’ils venaient à le protéger, ils seraient tués. Sur ces paroles, Abou Talib déclara que tant qu’il serait en vie, il protégerait son neveu. Abou Lahab et sa femme se sont toujours opposés au Prophète (saw), lui ont manifesté de l’hostilité, l’ont suivi, particulièrement lorsqu’il discutait avec des voyageurs arrivant à la Mecque, pour démentir ses propos, l’ont accusé d’être un sorcier qui semait le désordre dans sa tribu. Pour cette raison, dans le Coran, une sourate nomméeTabbat(111/1-5) fut révélée ; il y est décrété que lui et sa femme sont voués à l’enfer. Bien que le Coran soit explicite quant aux propos, aux actes, voire aux intentions de ceux qui manifestèrent de l’hostilité au Prophète (saw) et aux Musulmans, aucun ne fut mentionné nommément à l’exception d’Abou Lahab.

Le Noble Messager (saw) décida un jour d’appeler tous les Mecquois à l’Islam et après avoir grimpé au sommet de la colline Safa lança : « Ô Qurayshites ! Si je vous informais qu’il y a derrière cette montagne une horde d’ennemis me croiriez-vous ? » À la réponse « Oui, nous ne t’avons jamais vu mentir » il continua ses propos comme suit : « Alors, je vous préviens d’un châtiment aussi terrible qu’imminent… Allah m’a ordonné d’avertir les plus proches parmi ma famille. Et je ne puis vous être, ici comme dans l’au-delà, d’aucun secours tant que vous ne proclamerez pas qu’il n’y a d’autre dieu qu’Allah ».

Dans ses débuts, les notables de Quraysh ne s’opposèrent pas véritablement à l’appel à l’Islam du Messager d’Allah (saw). Seulement, lorsque le Prophète (saw) commença à réciter les versets fustigeant l’idolâtrie et déclarer les idolâtres comme des êtres voués à l’enfer, ils commencèrent à considérer son message comme un véritable danger, manifester leur hostilité ouvertement et mettre tout en œuvre pour empêcher son message d’être diffusé. Par ailleurs, ils craignaient qu’en cas de prédominance du principe monothéiste fondé sur l’existence d’un seul créateur et donc de l’effondrement de l’idolâtrie, ils verraient disparaitre leur prééminence auprès des tribus arabes ainsi que les ressources et profits tirés de leur commerce. D’autre part, les Qurayshites qui restaient très attachés au culte des ancêtres, conséquence naturelle du tribalisme, accordaient beaucoup d’importance aux traditions héritées de leurs ancêtres. À leurs yeux, l’idolâtrie était un culte à protéger absolument; à cet égard, ils n’avaient de cesse de réitérer qu’ils ne délaisseraient jamais les croyances et les cultes de leurs ancêtres. L’état moral dans lequel se trouvaient les Qurayshites ne les disposait guère à accueillir favorablement l’appel du dernier Messager. Dans la société mecquoise caractérisée par la mentalité païenne préislamique, à côté des maux tels que la consommation de l’alcool, les jeux de hasard, l’adultère et le mensonge, prédominait une culture du gain fondée essentiellement sur le pouvoir matériel et sur une conception de la supériorité basée sur le tribalisme ainsi qu’une culture d’exploitation et d’oppression des hommes. Le Coran critiquait ces comportements vils, déclarait que la supériorité entre les hommes ne pouvait procéder que de leur vénération au créateur et de leur miséricorde vis-à-vis des créatures (al Hujurat 49/13) et avertissait qu’un châtiment serait réservé à ceux dont les actions seraient contraires à ces principes.

Lorsqu’ils virent le Prophète (saw) rassembler de plus en plus de partisans et adresser des critiques à l’endroit de leurs croyances et de leurs mœurs, les Qurayshites commencèrent à lui témoigner du mépris, à l’injurier et, après un certain temps, n’hésitèrent pas à recourir à la violence. Les sources apportent des informations détaillées sur le calvaire et les souffrances que firent subir les polythéistes au Prophète (saw) et aux Musulmans. Les supplices infligés par des polythéistes aussi acharnés qu’Abou Jahl, Abou Soufyan, Abou Lahab, Oumayya b. Khalaf, Walid b. Moughira, Ouqba b. Abou Mou’ayt et Hakam b. Abou Al As étaient particulièrement infâmes. Parmi les victimes les plus touchées par ces méfaits, se trouvaient les familles, les esclaves et les concubines qui avaient émigré pour s’installer à la Mecque. Ils étaient soumis à la torture par la privation alimentaire et par l’exposition sur le sable brûlant avec des rochers placés sur leur torse. À ce titre, c’est la famille de Yassir qui paya le plus lourd tribut. Arrivé à la Mecque pour y retrouver son frère disparu, Yassir s’était placé sous la protection d’Abou Houdhayfa et avait épousé sa servante Soumayya. De cette union naquit le fameux compagnon Ammar b. Yassir. Yassir, Soumayya et Ammar qui comptèrent parmi les premiers Musulmans, firent preuve de patience face aux supplices des polythéistes. Finalement, succombant à la torture cruelle d’Abou Jahl, Soumayya fut la première personne à être élevée au rang de martyr dans l’histoire de l’Islam. Yassir tomba également en martyr le même jour au terme de ses supplices. Rescapé, Ammar fut contraint, à un moment où n’ayant plus la force de supporter les châtiments infligés par les polythéistes, de s’exprimer en faveur de Lât et Ouzza et de désavouer le Prophète (saw). Lorsqu’il échappa aux polythéistes, il se rendit auprès du Prophète (saw) et lui fit part de ce fait. Constatant la profonde affliction d’Ammar, le Messager d’Allah (saw) lui demanda ce qu’il ressentit au moment où il formula ces propos. Ammar, lui fit savoir que rien n’avait changé en son for intérieur. Sur ce, le Prophète (saw) le rassura, en lui indiquant que tant qu’il préserverait sa foi, il ne lui sera pas tenu rigueur d’avoir agi ainsi sous la contrainte, et lui conseilla, s’il était amené à se retrouver dans la même situation, de recourir à la même ruse. (Voir aussi sourate Nahl 16/106). D’autres esclaves tels que Bilal Al Habachi, Souhayb Al Roumi, Habbab b. Arat et Abou Foukayha ainsi que des servantes telles que Zinnira, OummOubays, Nahdiya et Loubayna, furent également confrontés, au nom de leur foi, à de grandes difficultés. Parmi les esclaves, Bilal Al Habachi, le premier à avoir embrassé l’Islam, fut, en particulier par son maître Oumayya b. Khalaf, soumis à de lourds supplices. Il fut trainé, une corde attachée au cou et confiée à des enfants, dans les ruelles de la Mecque. À l’heure du zénith, Oumayya b. Khalaf le couchait sur le sable brûlant, plaçait de grosses pierres chauffées sur son torse et lui imposait d’abjurer sa foi monothéiste et de reconnaitre la divinité de Lât et Ouzza. Face à tout cela, Bilal, bien que respirant difficilement, réaffirmait avec détermination sa foi en répétant “Ahad !” “Ahad!” (Allah est unique). Par ailleurs, les Musulmans aisés, furent également exposés aux mauvais traitements et malveillances. Par exemple, Othman subit des pressions de la part de son oncle Hakam b. Abou Al As, ainsi que des restrictions financières sur ses dépenses, destinées à lui faire abondonner sa foi. Sa’d b. Abou Wakkas dut affronter la ferme opposition de sa mère. Raison pour laquelle, d’ailleurs, fut révélé le verset affranchissant de l’obligation d’obéissance aux parents si ces derniers imposaient la négation d’Allah. (Sourate Loqman 31/15). Après sa conversion, Abou Oubayda b. Jarrah dut subir l’hostilité severe de son père. Abdoullah b. Masoud fut battu jusqu’à perdre connaissance pour avoir récité ouvertement les versets d’Allah dans l’enceinte de la Kaaba. Mous’abb.Oumayr qui était l’enfant d’une famille aisée, dut subir la réaction violente de sa famille qui refusa, non seulement, de subvenir à ses besoins mais lui confisqua également ses vêtements. Abou Zarr de la tribu Ghifâr fut battu trois fois jusqu’à perdre connaissance par les polythéistes lorsqu’il déclara être Musulman. Lorsque la prière en public et la récitation à haute voix furent proscrites, Abou Bakr, qui jouissait d’une grande notoriété, dut faire construire une mosquée aux parois épaisses dans la cour de sa maison et commença à y prier. Outre cela, des immondices et des chardons furent déposés sur les chemins qu’empruntait le Prophète (saw) en personne, sa maison fut la cible des jets de pierres. Pire que cela, alors qu’il était en prière, une panse de chameau destinée à l’étouffer, fut jetée sur lui lors de la prosternation. Son oncle Abou Lahab et son épouse Oumm Jamil, soeur d’Abou Soufyan, furent particulièrement malveillants à l’encontre du Prophète (saw). Oumm Jamil parvint, par la pression qu’elle exerça sur ses deux fils, qui étaient mariés aux filles du Prophète (saw), à les séparer de leurs épouses. Sur ces faits, fut révélée la sourate suivante: “Que périssent les deux mains d'AbouLahab ! Et il a péri ! Sa fortune et ses rentes ne lui furent d’aucune utilité. Il sera adossé à un feu ardent ! De même que sa femme, avec la corde au cou, entrera dans le feu en portant le bois.” (Sourate Tabbat 111/1-5)

Les pressions et les menaces ainsi que les mauvais traitements et les sévices des polythéistes, loin de détourner les Musulmans de leur religion, augmentaient leur foi. Les épreuves endurées par les Musulmans sur la voie d’Allah renforçaient leur détermination et démontraient à quel point la foi était un précieux trésor. Déconcertés face à l’emprise qu’exerçait le Coran sur le coeur et l’esprit humain, les Qurayshites se mirent à répandre quelques rumeurs. Ils prétendirent que Muhammad (saw) était devin, aliéné ou poète, que le Coran qu’il apportait n’était rien d’autre que ce qu’il avait appris d’un Chrétien et que ce livre consistait en un recueil de magie et de vieilles légendes. Cependant, les assertions mensongères des polythéistes furent successivement réfutées par les versets révélés et les déclarations divines.

Afin de faire obstacle aux activités de prêche de Muhammad (saw), les Qurayshites s’entretenirent avec son oncle Abou Talib à trois reprises différentes. À la première rencontre, Abou Talib parvint à désamorcer la situation par ses propos apaisants et temperés. À la seconde, lorsque les Qurayshites tinrent des propos menaçant, il convoqua le Messager d’Allah (saw) et lui confia qu’il ne pouvait résister plus longtemps face à sa tribu. Pensant que son oncle renoncerait à le protéger, le Prophète (saw) répondit avec détermination: “S’ils mettent le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche pour que j'abandonne cette mission, je ne cesserai jamais jusqu'à ce que Dieu fasse triompher cette religion ou que je périsse en la défendant”. Sur ce, Abou Talib rassura son neveu avec les propos suivants: “Va et dis ce que bon te semble, par Allah je ne te livrerai jamais à eux”. À la troisième reprise, les Qurayshites soumirent à Abou Talib la proposition suivante: “Livre-nous ton neveu et en échange nous t’adjoindrons comme enfant Oumara, le fils Walid b. Moughira. Abou Talib, déclina fermement cette proposition. Parallèlement, certains Qurayshites rencontrèrent en personne le Prophète (saw) et tentèrent de le dissuader de continuer sa mission. À titre d’exemple, Outba b. Rabia vint au Prophète (saw) avec ces propos : “…Si tu vises la richesse, nous t’offrirons le royaume et la fortune. Si c’est le prestige et la notoriété que tu cherches, alors nous te désignerons comme notre chef”. Allant plus loin, il ajouta: “Si tu te comportes de la sorte en raison d’un trouble mental, nous te ferons soigner”. Quand Outba termina ses propos, le Prophète (saw), récitant les premiers versets de la sourate Foussilat (Foussilat 41/1-6), déclara être un prophète envoyé par Allah pour remplir sa mission. Bien qu’Outbafut touché par les paroles du Prophète (saw) il n’embrassa pas pour autant l’Islam.

La conversion à l’Islam de Hamza b. Abdoul Mouttalib et Omar b. Khattab

Pendant la période mecquoise, lors des activités de prédication, la conversion à l’Islam de deux personnes revêtait une importance toute particulière. Le premier étant Hamza, l’oncle du Prophète (saw) et le second, Omar b. Al Khattab. La sixième année de la mission prophétique (616), une servante, témoin d’une scène où Abou Jahl et ses hommes insultèrent le Messager d’Allah  (saw), rapporta ce qu’elle avait vu à Hamza qui, de retour de la chasse, se rendait à la Kaaba pour y effectuer ses processions. Saisi de colère, Hamza décocha avec l’arc qu’il tenait dans sa main, un coup dans la tête d’Abou Jahl qui se trouvait sur place et déclara ensuite “Je suis de la religion de Muhammad, affrontez-moi si vous l’osez”, signifiant par ce geste sa conversion à l’Islam. Le Prophète (saw) qui se trouvait à ce moment à Dar Al Arkam éprouva une grande joie à cette nouvelle. Le Prophète (saw) qui déployait d’immenses efforts pour alléger les difficultés que rencontraient les Musulmans lors de leurs activités de prédication, invoquait également, pour la victoire de l’Islam, son Seigneur afin qu’Il accorde la foi à des personnalités puissantes et influentes. Parmi ces personnalités, figurait Omar. D’après Ibn Ishaq, Omar, décidant de tuer Muhammad (saw), sortit un jour de sa maison, apprena en chemin la conversion à l’Islam de sa soeur Fatima, et il se rendit alors chez elle. Les ayant entendu réciter les premiers versets de la sourate Taha, il avait battu son beau-frère et sa soeur. Voyant la détermination de sa soeur et ému par son état sanglant, il éprouva des regrets et demanda les parchemins contenant les versets qu’ils récitaient; puis touché par les premiers versets des sourates Taha et Abasa, il se rendit auprès du Noble Messager (saw) qui se trouvait à Dar Al Arkam et déclara sa conversion. Conversion à laquelle réagit le Prophète (saw) en formulant le takbir (Allah est le plus grand) et ceux, présents, répétèrent en choeur le takbir et quittèrent tous ensemble Dar Al Arkam pour rejoindre la Kaaba.

قَلَ رسول الله (صلى الله عليه و سلم ) : " كُلُّ مُسْكِرٍ خَمْرٌ , وَ كُلُّ مُسْكِرٍ حَرَامٌ , وَ مَنْ شَرِبَ الخَمْرَ فِي الدُّنْيَا فَمَاتَ وَهُوَ يُدْمِنُهَا , لَمْ يَتُبْ , لَمْ يَشْرَجْهَ فِي الآخِرَةِ. "
Le Messager d’Allah (saw) a dit :

“Tout ce qui enivre est une boisson alcoolisée et tout ce qui enivre est illicite. Celui qui boit de l’alcool en ce monde puis meurt en état de dépendance sans se repentir n’en boira pas dans l’au-delà.”

Sahih Muslim, Livre des boissons, Hadith 5218