L’image de cette foule en effervescence sur la Colline des Archers restera gravée définitivement dans ma mémoire. Cette colline ne sera jamais désertée quelle que soit la saison. Nuit et jour, elle ne cessera d’accueillir de foules incessantes de visiteurs. Comme si cette colline que, des années auparavant, les Compagnons avaient abandonnée malgré les directives du Prophète (saw), voit les croyants, arrivés après, ne pas l’abandonner et la remplir.

 

Souvenons-nous. Qu’avait dit au juste le Prophète (saw) : « Que vous constatiez avec certitude notre victoire dans cette bataille ou notre défaite totale, n’abandonnez en aucun cas cette colline. » Selon une autre formule, « Que nous atteignions l’objectif de façon certaine ou que nous ne fussions absolument pas en mesure de l’atteindre, veillez à ne pas abandonner votre mission. »

 

Seulement, il n’en fut rien ; cet appel qui nous trompe tous, nous induit en erreur, avait aussi fourvoyé les archers. Lorsqu’ils virent l’issue de la bataille tourner en faveur des Musulmans, la plupart oublièrent l’avertissement du Prophète (saw) et abandonnèrent leur position. Ils s’éloignèrent du lieu de leur mission. C’est ainsi que nous reçûmes Uhud en legs comme un souvenir douloureux.

 

Il convient de considérer Uhud et ce qui s’y déroula malgré le Prophète (saw) comme une occasion pour nous de nous réformer. Il convient de lire la Colline des Archers comme un symbole afin de rester vigilants face aux fourvoiements.

 

Allez, posons-nous la question. N’y a-t-il pas pour nous une Colline des Archers ? N’y a-t-il pas pour nous une place ou une position à garder que le Prophète (saw) nous aurait indiquée avec insistance, pour laquelle Il nous aurait sans cesse mis en garde et à propos de laquelle Il nous aurait dit « quoi qu’il en soit, ne l’abandonne pas » ? Que nous obtiennons des résultats ou pas, que la bataille se solde par la victoire ou par la défaite, qu’il y ait succès ou échec, n’y a-t’il pas un lieu à garder, un état d’esprit à observer ?

 

En escaladant la Colline des Archers interrogeons-nous… Pourquoi un tel évènement a-t’il eut lieu ? Pourquoi a-t’on mis en évidence la faillibilité de l’homme, fut-il un Compagnon ? Et pourquoi maintenant sommes-nous obstinément si enthousiastes à être là-bas ? Nous devons revenir gagnants de cette visite. Ce lieu doit avoir un fruit à nous offrir. Ces terres qui ont vu tomber des héros tels que Hamza (ra) et Mous’ab b. ‘Oumayr doivent nous relever de telle façon que nous restions indéfiniment debout… Faute de quoi, nous ne serions pas animés par la vivacité des éternels vivants que sont les martyrs. Faute de quoi, les martyrs qui font renaître ne pourraient ajouter vie à notre vie.

 

Ô âme désireuse, n’es-tu pas toi aussi en train de livrer une bataille. Il y est question de défaite ou de victoire. La part qui te restera de ce bas-monde est la vie éternelle. Au bout du chemin, c’est l’infini qui t’attend. La victoire éternelle est possible, tout comme l’est la défaite éternelle. Il y a le paradis, ou l’enfer… Tu es candidat à la proximité éternelle, ou à la catastrophe éternelle… Il s’agit de ton combat. Tu es dans l’épreuve.

 

Tout en sachant cela, tu oscilleras entre l’espérance et la crainte. Tu te dissiperas tantôt par ci, tantôt par là. Tantôt, tu nourriras l’espoir d’entrer au paradis et tantôt tu ressentiras la crainte d’être le seul damné voué à l’enfer. Que ni l’état de celui qui aurait à son actif un grand nombre d’actes de piété au point de penser le paradis comme acquis, ni l’état de celui qui a cumulé les péchés au point de penser que le paradis lui est définitivement interdit ne t’empêchent d’être en état d’adoration constante et ne te privent de l’invocation.

 

Tu ne dois ni te rengorger de ta pleine victoire, ni te morfondre pour avoir tout perdu.

 

Viens, maintenant, écoute encore une fois le Prophète (saw). Prête l’oreille de ton cœur : « Que tu constates avec certitude notre victoire dans cette bataille ou notre défaite totale, n’abandonne en aucun cas cette colline… » Prends garde de ne jamais croire que le paradis t’es définitivement acquis en t’en remettant à ta prière, ton jeûne, ton aumône, ta charité et ton pèlerinage. Prends garde de ne te jeter dans le feu, désespéré que tu es par tes péchés, tes révoltes et tes tares, ne perds pas espoir en la miséricorde d’Allah.

 

Patiente toute la vie, la flèche de l’invocation dans les mains. Tes pieds appuyés fermement sur le socle de la foi, tes yeux rivés à l’horizon dans l’attente de bonnes nouvelles, patiente, sans hésiter, dans la prosternation. Lorsque tu te dissipes entre l’espérance et la crainte, arrime ton cœur à l’agrément d’Allah. 

 

Que la carence de tes bonnes œuvres ne te pousse à désespérer de la miséricorde d’Allah. Que la profusion de tes bonnes œuvres ne te pousse à te croire suffisant et penser que tu ne serais pas tributaire du pardon et de la miséricorde de ton Seigneur ainsi que de Sa clémence et de Sa rémission… Tu n’es pas le maitre de ton salut ; ne l’oublie pas. Ce ne sont pas tes actions qui te sauveront. N’est-ce pas Allah qui te les pourvoit ? N’est-ce pas Allah qui te dirige vers tes actions ? N’est-ce pas Allah qui t’octroie les moyens et le lieu afin que tu lui voues adoration ? Ne cherche à te prévaloir devant Allah de ce qu’Allah t’a gratifié ?

 

Dis : « Seigneur, tu es le Salut, Tu es la délivrance. C’est de Toi qu’émane le salut, c’est de Toi qu’émane la délivrance. » Que tu sois gagnant ou perdant, ta plus grande réussite est d’être un fidèle serviteur de ton Seigneur. Il n’est de plus honorable statut que celui d’être un serviteur de ton Seigneur. Il n’est pas un état plus utile que le fait d’être en la présence du Seigneur des mondes, les larmes aux yeux, en état de pénitence, reconnaissant ses insuffisances et priant, conscient de ses faiblesses.

 

Pour toi « la Colline des Archers » c’est ici. Patiente ici. "N’abandonne pas la Colline des Archers…"