Sira
Vie du Prophète Muhammad (saw)
 

27 - La bataille de Khandaq

La bataille de Khandaq qui fut la dernière offensive lancée par les Qurayshites sur Médine, fut nommée ainsi en raison de la tranchée creusée autour de Médine et destinée à la protéger de l’attaque ennemie. Cette bataille fut également nommée bataille de « Ahzab » (« les groupes coalisés ») en raison du fait qu’outre Quraysh, les forces ennemies étaient constituées d’autres tribus arabes telles que Gatafan, Fazara, Soulaym, Kinana et Saqif ainsi que des Juifs de Banu Nadir qui furent chassés de Médine et de Banu Qurayza qui y étaient alors restés. Cette bataille qui, tant sur le plan politique que sur le plan stratégique et tactique, différait des autres batailles, n’était pas livrée contre un ennemi unique ou défini mais fut une bataille défensive livrée contre toutes les factions ennemies qui, à cette époque, se trouvaient sur la péninsule arabique. Elle revêt de l’importance dans le sens où elle rassembla sur un front commun les Juifs, les Qurayshites et les autres tribus arabes qui admettaient leur impuissance à vaincre, à eux seuls, les Musulmans auxquels ils étaient hostiles.

Parmi les Banu Nadir qui s’installèrent à Khaybar après avoir été chassés de Médine, des notables tels que Houvay b. Ahtab et Sallam b. Abou al Houkayk, se rendant à la Mecque, rencontrèrent les chefs qurayshites et les dressèrent contre les Musulmans. Les Mecquois qui se tenaient prêts à cela rassemblèrent une grande armée avec la participation des tribus voisines parmi leurs alliés. Informé de la situation, le Messager d’Allah (saw), après concertation avec ses Compagnons et sur les conseils de Salman Al Farisi, décida de faire creuser un fossé sur la partie nord de Médine qui se trouvait exposée aux attaques des unités de cavalerie. La tranchée qui fut achevée au bout de quelques semaines grâce aux efforts dévoués des Musulmans et dans laquelle le Prophète (saw) participa en personne avait, selon l’avis de Muhammad Hamidullah, une longueur de 5,5 km, une largeur de 9 mètres et une profondeur de 4,5 mètres.

Lorsque le creusage du fossé fut terminé, les forces ennemies, dont le nombre s’élevait à 10.000 (ou 12.000) hommes et placées sous le commandement général d’Abou Soufyan b. Harb, arrivèrent à Médine et installèrent leur quartier général au nord de la ville, sur le lieu où eut lieu la bataille d’Ouhoud. L’étendard des polythéistes était porté par Osman b. Talha de la tribu des Banu Abduddar. Le nombre des soldats musulmans s’élevait à 3.000 hommes, le porte-étendard des Mouhajiroune était Zayd b. Haritha et celui des Ansar, Sa’d b. Oubada. Considérant la supériorité en nombre des troupes ennemies et ne souhaitant pas l’effusion de sang, le Prophète (saw) ne jugea pas pertinent de livrer un affrontement direct. Il ordonna le confinement des femmes et des enfants dans les tours et les citadelles et installa son quartier général au pied de la colline Sal’ de manière à ce que l’arrière de la troupe soit adossé à la colline et que le front soit face à la tranchée. Il plaça des sentinelles sur les points faibles où la tranchée est moins profonde ainsi que sur certains lieux de passage. La stratégie qu’il usa envers Quraysh consistait à démontrer la force des Musulmans, leur donner le sentiment d’être dépendants de lui concernant la route du commerce et leur imposer la reconnaissance de la religion islamique et de l’existence de la formation naissante à Médine.

Lorsque les Qurayshites qui étaient arrivés aux alentours de Médine constatèrent la tranchée, moyen de défense alors inconnu en Arabie, ils furent désorientés. Au moment du siège, les deux parties, de part et d’autre de la tranchée, se firent pleuvoir des flèches et des pierres. L’armée musulmane tentait, d’une part, d’empêcher l’ennemi de pénétrer dans la ville par d’autres points et, d’autre part, de le neutraliser tout au long de la tranchée. Les polythéistes se relayaient dans leurs assauts et ces unités étaient placées sous le commandement d’illustres guerriers tels qu’Abou Soufyan, Houbayra b. Abou Wahb, Ikrima b. Abou Jahl, Dirar b. Khattab, le frère d’Omar, Khalid b. Walid et Amr b. Âs. Un jour, la tente du Prophète (saw) fut soumise à une avalanche de flèches par les polythéistes. Cependant, suite à la riposte des Compagnons avec des flèches et des pierres l’assaut se solda par un échec.

À un moment, quelques cavaliers parmi les soldats qurayshites parvinrent à traverser le fossé par un point étroit et se retrouvèrent du côté où se trouvait l’armée musulmane. Il y avait parmi eux Amr b. Abduwad, reconnu pour son courage et son héroïsme parmi les Arabes. Amr b. Abduwad demanda un adversaire pour une moubaraza (combat singulier). Malgré son jeune âge, c’est Ali qui accepta le duel. Le Noble Messager lui donna son épée et lui noua son turban. Amr fut terrassé d’un coup d’épée par Ali qu’il avait dans un premier temps sous-estimé. Parmi ceux qui traverserent le fossé avec lui Nawfal b. Abdullah périt en tombant dans la tranchée. Quant aux autres, ils n’ont eu d’autre choix que de battre en retraite.

Malgré quelques timides affrontements, les forces alliées ne purent, lors du siège qui dura près de vingt jours, réaliser aucune avancée. Comme les polythéistes avaient organisé leurs préparatifs en fonction d’une bataille qu’ils avaient envisagée courte, les ressources en nourriture des hommes et de leurs montures s’étaient épuisées. Entre-temps, un ravitaillement de vingt chameaux envoyé par les Juifs de Khaybar et chargés en vivres et nourritures pour animaux fut saisi par les Musulmans. En outre, la baisse de la température mit en difficulté les Mecquois qui furent saisis de panique lorsque un vent violent arracha et mit leurs tentes sens dessus dessous. Lors de cette période, le mois de Chawwal touchait à sa fin, le mois Dhou al Qi’da, parmi les mois sacrés, était sur le point de commencer et la saison du pèlerinage s’approchait. Comprenant que dans ces conditions il ne pouvait rien espérer, Abou Soufyan leva le siège pour reprendre le chemin de la Mecque (Dhou al Qi’da 5/Avril 627).

Six Musulmans tombèrent en martyr dans la bataille de Khandaq qui constitua un tournant dans l’histoire de l’Islam et, en contrepartie, huit hommes furent tués dans le camp ennemi. Les Musulmans vécurent des jours difficiles lors de la bataille de Khandaq et furent saisis de peur face à une armée nombreuse. Le fait pour le Prophète (saw) qui ne manquait aucune prière quelle que soient les circonstances, d’avoir dû, lors du siège, regrouper les prières du midi, de l’après-midi, du coucher et du crépuscule pour les prier ensemble la nuit venue, montre clairement à quel point lui et ses Compagnons durent lutter dans des conditions difficiles. Dans la sourate Ahzab qui donna son nom à cette bataille, il est précisé que la peur qu’éprouvèrent les Musulmans face aux troupes coalisées était une épreuve de foi et qu’Allah assista les Musulmans par des armées invisibles (Al Ahzab 33/9-12, 25).

Avec la bataille de Khandaq, les dernières tentatives des polythéistes destinées à éliminer le Prophète (saw) et les Musulmans se soldèrent par un échec. Le rôle de la politique et des manœuvres diplomatiques du Prophète (saw) destinées à semer la division entre les Juifs et leurs alliés parmi les tribus arabes, ainsi qu’un travail poussé de collecte d’informations et de renseignements, joua un rôle déterminant dans l’échec de l’ennemi. Parmi les mesures prises par le Prophète (saw) lors de la bataille pour briser l’alliance chez l’ennemi, il en est une qui concerne Nou’aym b. Massoud. Ce dernier qui était le chef de la tribu Achja’ venait juste d’embrasser l’Islam sans toutefois que personne ne le sache. À la demande du Prophète (saw), Nou’aym se rendant séparément auprès des Banu Qurayza et de Quraysh les dressa les uns contre les autres. Ainsi, les dissensions qui en résultèrent dans les rangs ennemis conduisirent les Juifs de Banu Qurayza à se désolidariser et sortir des rangs.

Après cette bataille, le Prophète (saw) révisa sa stratégie de guerre. Il fut jugé plus judicieux d’anticiper les forces ennemies et de les assaillir pendant qu’elles sont occupées à préparer une attaque contre les Musulmans. C’est dans cette optique que fut organisée l’expédition contre Banu Qurayza.

 

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